« Les amis trop d’accord »

Il était quatre amis qu’assortit la fortune ;
Gens de goût et d’esprit divers.
L’un était pour la blonde, et l’autre pour la brune ;
Un autre aimait la prose, et celui-là les vers.
L’un prenait-il l’endroit ? l’autre prenait l’envers.
Comme toujours, quelque dispute
Assaisonnait leur entretien ;
Un jour, on s’échauffa si bien,
Que l’entretien devint presque une lutte.
Les poumons l’emportaient ; raison n’y faisait rien.
— Messieurs, dit l’un d’eux, quand on s’aime,
Qu’il serait doux d’avoir même goût, mêmes yeux !
Si nous sentions, si nous pensions de même ;
Nous nous aimons beaucoup, nous nous aimerions mieux.
Chacun étourdiment fut d’avis du problème,
Et l’on se proposa d’aller prier les dieux
De faire en eux ce changement extrême.
Ils vont au temple d’Apollon
Présenter leur humble requête ;
Et le dieu sur-le-champ, dit-on,
Des quatre ne fit qu’une tête :
C’est-à-dire qu’il leur donna
Sentiments tout pareils et pareilles pensées.
L’un comme l’autre raisonna.
— Bon, dirent-ils, voilà les disputes chassées.
Oui, mais aussi voilà tout charme évanoui ;
Plus d’entretien qui les amuse.
Si quelqu’un parle, ils répondent tous : oui.
C’est désormais entre eux le seul mot dont on use.
L’ennui vint : l’amitié s’en sentit altérer.
Pour être trop d’accord nos gens se désunissent.
Ils cherchèrent enfin, n’y pouvant plus durer,
Des amis qui les contredissent.
C’est un grand agrément que la diversité :
Nous sommes bien comme nous sommes.
Donnez le même esprit aux hommes,
Vous ôtez tout le sel de la société.
L’ennui naquit un jour de l’uniformité.

C’est une élève de l’École de la Fausse Note qui a partagé un jour avec moi ce poème du XVIIIème siècle écrit par Antoine Houdar de la Motte.

Alors qu’allons-nous choisir ? L’uniformité ou la diversité ?

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